La rumeur avait couru parmi les motards de la région : quelque part, dissimulé dans les bois de la Mauricie, il existerait un circuit secret, un tracé sinueux qui envoûterait quiconque oserait l’emprunter. Ce sentier, disait-on, n’était pas tracé sur les cartes, et même les GPS se trompaient en essayant de le localiser. On racontait que seuls les plus expérimentés osaient s’y aventurer, et que ceux qui revenaient n’étaient jamais les mêmes.

Intrigué par ces murmures, j’avais décidé de me lancer à sa recherche. Avec ma  KTM, j’avais préparé le strict nécessaire : de quoi bivouaquer en forêt et mon instinct pour guide. Je n’avais pas idée de ce qui m’attendait.

Après plusieurs heures à explorer les sentiers et chemins poussiéreux, j’ai aperçu un petit panneau en bois dissimulé sous les branches d’un chêne. Gravé de manière artisanale, il portait simplement les mots : “Le Circuit.” Avec un sourire en coin, je me suis avancé, sans savoir si j’étais sur le point de découvrir un paradis ou de m’enliser dans un cauchemar.

La route, si l’on pouvait l’appeler ainsi, était tortueuse, étroite, parsemée de pierres et de racines. Chaque virage semblait se refermer sur moi comme les tentacules d’une créature. Les arbres se resserraient, leurs branches formaient un tunnel, plongeant le chemin dans une obscurité irréelle. Je me sentais à la fois exalté et nerveux. L’adrénaline me poussait à aller plus loin, même si chaque fibre de mon être me criait de faire demi-tour.

Soudain, le sentier a semblé s’élargir pour déboucher sur une clairière. Là, des marques de pneus s’entrecroisaient au sol, formant une sorte de labyrinthe. Il y avait quelque chose d’étrange dans l’air, une sensation électrique. Le silence était total, si profond que même le bruit du vent semblait étouffé. Je me suis arrêté, contemplant les marques au sol, hypnotisé par leur symétrie presque parfaite.

C’est alors que j’ai aperçu une moto au loin, à l’autre bout de la clairière. Une  Triumph , reposant sur sa béquille. Je me suis approché, mais alors que je ne pouvais plus qu’être à quelques mètres, un cri résonna dans les bois, un cri long et sinistre qui semblait provenir de partout à la fois.

Mon instinct me disait de fuir, mais ma curiosité a pris le dessus. À côté de la moto, j’ai trouvé un vieux carnet, en partie décomposé. Les pages, tremblantes sous mes doigts, contenaient les pensées d’un autre motard qui avait tenté, lui aussi, de compléter le circuit. Il écrivait avoir entendu “des voix, des murmures” et vu des ombres le suivre. Le dernier mot écrit était un simple : “Attention.”

Sans réfléchir, j’ai remonté sur ma KTM, démarrant à toute allure. Le circuit semblait vivant, les arbres se refermaient derrière moi comme pour m’emprisonner. Les racines devenaient des pièges, et chaque virage semblait m’amener de plus en plus profond dans ce labyrinthe.

Finalement, je suis parvenu à m’extirper de cette clairière maudite et à retrouver la route principale. En jetant un dernier regard derrière moi, j’ai cru voir une silhouette au loin, entre les arbres, me regardant partir. Cette expérience a laissé une marque indélébile, et aujourd’hui encore, je me demande ce qui serait arrivé si j’étais resté.

Alors, motard, si un jour tu entends parler du “Super Circuit”, souviens-toi que certains chemins sont faits pour rester secrets.